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mardi, 04 mars 2014

Printemps des poètes 6

Comme chaque année, le "Printemps des poètes" offre à l'inévitable Jean-Pierre Siméon l'occasion de nous bassiner avec ses pontifiantes sornettes et ses platitudes démagogiques, pieusement retranscrites, ce dimanche, dans les pages magazine de La Montagne. "La poésie doit être un fait social", affirme avec force le "directeur artistique" de cette manifestation "à la fois simple et ambitieuse". Variante pauvre d'une formule éculée de Lautréamont, qui n'a guère plus de sens que tout le reste de l'entretien, dans lequel on apprend que les responsables de cette quinzaine de la rimaillerie ont "été sollicités par le ministère de la Défense" afin de commémorer le "70e anniversaire de la Libération et de la victoire sur le nazisme". "Nous avons accepté avec enthousiasme — déclare notre aède stipendié —, pour faire face au retour actuel de la haine." Voilà qui est grand et beau, en ces temps où "la société est plus antipoétique que jamais". C'est terrible : on en regretterait presque la métromanie du XVIIIe siècle...
Mais, peut-être que les poètes, on pourrait leur f... un peu la paix. Ou commencer par les relire. Mallarmé, tiens : "Comme tout ce qui est absolument beau, la poésie force l’admiration ; mais cette admiration sera lointaine, vague, — bête, elle sort de la foule. Grâce à cette sensation générale, une idée inouïe et saugrenue germera dans les cervelles, à savoir, qu’il est indispensable de l’enseigner dans les colléges, et irrésistiblement, comme tout ce qui est enseigné à plusieurs, la poésie sera abaissée au rang d’une science. Elle sera expliquée à tous également, égalitairement, car il est difficile de distinguer sous les crins ébouriffés de quel écolier blanchit l’étoile sibylline." ("Hérésies artistiques" — "L'art pour tous", L'Artiste, septembre 1862)
La poésie faite par tous ? On en trouve quelques échantillons dans les toilettes des autoroutes.

Commentaires

"On devrait, en toute logique, interdire l'enseignement de la poésie dans les lycées et facultés. Par bonheur pour la logique, elle y est si mal enseignée qu'elle passe inaperçue."
Georges Perros Papiers Collés 2

Écrit par : Serge Diot | jeudi, 06 mars 2014

L'institution scolaire aura fait beaucoup de mal à la poésie, et quelques poètes en ont particulièrement souffert, qui ne méritaient pas cela. Qu'on pense à La Fontaine, statufié dans son rôle d'auteur de récitations pour classes primaires ; à Prévert, qui, sans être un des plus grands, a tout de même écrit d'autres choses que les pochades qui lui ont valu le succès auprès du grand public aussi bien que le mépris agressif d'un Houellebecq ; à Tardieu, inspirateur d'innombrables et ridicules "à la manière de"... Les choix pédagogiques sont parfois déconcertants. On a vu Yves Bonnefoy proposé à l'épreuve de français du bac, ce qui est proprement effarant quand on connaît le niveau général des élèves. Dans un ordre d'idées un peu différent, l'école a porté Ponge au pinacle... Heureusement, il reste encore d'authentiques poètes qui ont échappé à la "vulgarisation" — au pire sens du terme — et ne suscitent pas de regrettables vocations. Ce ne sont pas les plus "faciles", certes, même si c'est, précisément, le dépouillement extrême de leur parole qui les préserve d'enthousiasmes un peu trop indiscrets.

Écrit par : C.C. | jeudi, 06 mars 2014

Vienne - vite - l'hiver nucléaire qui nous débarrasse du printemps des poëtes.

Écrit par : le moine bleu | vendredi, 07 mars 2014

Après le "temps du muguet", le temps du Sapin, en somme. J'ai fort prisé votre ode en pentamètres iambiques.

Écrit par : C.C. | vendredi, 07 mars 2014

Elle devait être bourrée d'erreurs, l'ode, et d'hétérodoxies insupportables. Force est d'admettre, cependant - pour nous défendre mollement - qu'en matière d'ineptie, M. Sapin et ses semblables dégainèrent toujours les premiers.

Écrit par : le moine bleu | vendredi, 07 mars 2014

Ici, pas de printemps pour la poésie. Elle ne dégèle jamais. Mais elle a bien un automne. Elle reste feuilles mortes la plupart du temps.

Bien aimé vos commentaires sur la poésie. En voici un autre :

« En poésie comme en tout autre domaine, ceux qui sont sans honneur réussissent dans leur entreprise. À défaut d’accéder au sublime, les fourbes se cantonnent dans l’illisible. Leur complication langagière emprunte au monde des scélérats. La métaphore et l’inconduite partagent la même racine ».

Français Jacqmin, « Le livre de la neige », p. 17

Merci,
Christiane

Écrit par : Christiane Loubier | vendredi, 07 mars 2014

Je trouve, par hasard, ceci dans Furetière : "Poëte se dit quelquefois odieusement de ces malheureux porteurs de rogatons en vers et qui font déshonneur au Parnasse." Et à l'adresse "Rogaton" : "On appelle proverbialement un porteur de rogatons, celuy qui porte des vers, des sonnets, des placets à des grands seigneurs pour tâcher de tirer d'eux quelque présent."

Écrit par : C.C. | vendredi, 07 mars 2014

Je proteste : Constantin votre autorouto-chiottophobie (il y a longtemps que je pense à créer un bon vieux néologisme à authentiques racines grecques sur ce sujet — je suis ouvert à tous les conseils et propositions) est antisociale et nauséabonde et ne peut que rappeler les lieux les plus sombres de notre Histoire.
Sinon, sur le fond (du trou noir poétique, festif, citoyen et colberchien syndiqué), je suis hélas bien d'accord avec vous.

Écrit par : Martin-Lothar | samedi, 08 mars 2014

Excellente chronique.

Écrit par : Ph. | mardi, 11 mars 2014

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