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mercredi, 21 août 2013

Que faisiez-vous au temps chaud ?

Rares activités géorgiques. Cette semaine, pose de clôtures à moutons en des pacages pentus, cernés de bois sombres où le silence règne. Le soleil darde. À l'horizon, le patchwork des éteules et des prairies se résout en une houle de croupes et de mamelons, se fond en un camaïeu de "nuances bleues, depuis celle du béret basque et de la prunelle embuée, jusqu’à celle des rêves de jeunes filles, en passant par le bleu de Sèvres et le bleu des vases de mois de Marie". Dans l'ombre fraîche d'une haie, parmi les ronces et l'herbe grasse, nous découvrons une famille de vesses-de-loup géantes, dont nous accommoderons quelques belles tranches pour le dîner, poêlées au beurre, avec ail et persil. Régal méconnu qu'accompagnera à merveille un aimable rosé de Loire.

Le soir ou à l'heure de la sieste, lectures diverses. De gros volumes, à parcourir à sauts et à gambades, comme les "pages choisies" du Journal littéraire de Paul Léautaud, récemment rééditées en collection de poche, ou les Souvenirs curieux d'une espèce de Hongrois, de Georges Walter, un de ces livres achetés au hasard des bacs d'une solderie et qui réservent d'heureuses surprises au lecteur. Heureuse surprise, également que ces Pays, de Marie-Hélène Lafon, mince roman emprunté sans conviction et parcouru avec un réel bonheur. On pense, bien sûr, à Annie Ernaux — pour l'extraction modeste de la narratrice —, mais une Annie Ernaux rurale, et qui aurait du style, des licences et des élégances façon Michon. Les dernières lignes, dans lesquelles on évoque la visite au Louvre du père, vieux paysan du Cantal, me touchent profondément : "Il ruminait et brassait cette fatrasie de dates et de périodes, parka ouverte écharpe dénouée tête nue, abasourdi d'idiomes entrelacés, ballotté de salle en salle, assis debout, mains croisées dans le dos, vaillant ; le corps penché, planté, il répétait, ils sont beaux les sols ils sont beaux." Mais peut-être faut-il avoir eu une enfance rustique et souffert de la condescendance des enfants de bonne famille pour saisir toute la tendresse de ce desinit.

Et encore, quelques essais sur les peintres et la peinture. Un assez décevant Balthus, plat exercice d'admiration, dont l'auteur évoque le poêle de faïence "que Pascal aimait tant" (confusion avec Descartes ?) et attribue au Psalmiste la "poursuite du vent". Deux ou trois "polars" : un excellent Harvey — Le Deuil et l'oubli —, un très décevant Steinfest — Le Grand Nez de Lilli Steinbeck — dont m'avaient enchanté les Requins d'eau douce, qui m'ont conduit à reprendre le Tractatus de Wittgenstein. De celui-ci, comme tout le monde, je ne retiendrai probablement que la dernière — et très sage — proposition :
"Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence."

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