vendredi, 23 avril 2010
"Le soleil luit sur les rhododendrons"
Les observations météorologiques qu'affectionnait Vialatte ont ceci de rassurant qu'elles sont indémodables. Le temps qui passe n'a pas de prise sur le temps qu'il fait. Les rhododendrons, comme le rossignol de Keats, sont éternels et les oiseaux de Janequin saluent encore bruyamment l'aurore sous mes fenêtres.
Semaine tout occupée à des activités géorgiques qui m'ont rompu les bras et les reins. Peu de lectures. Parcouru sans enthousiasme un article sur Larbaud non moins savant qu'ennuyeux : écriture dissertative, appliquée, fastidieux grabelage de références érudites. Il me semble qu'autrefois les universitaires — certains d'entre eux, du moins — écrivaient bien. Aujourd'hui, il serait inconvenant d'avoir du style, déplacé de faire preuve de finesse ou d'ironie. Il faut que cela sente l'huile — gage de sérieux, sans doute.
22:34 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
Double sentiment inverse de ma part. D'abord, et c'est sans doute plus qu'un sentiment, c'est pas comme Vialatte croit l'éternité qui engendre le temps, mais comme Shakespeare pense, le temps qui engendre une idée d'éternité. Sans doute pour mieux souligner le tempérament germanique des Auvergnats, Simone Weil parlant du temps parle d'"ersatz d'éternité".
- Et, question de sentiment pur, moi c'est l'ironie et le style des universitaires que je peux plus supporter, ras-le-bol de ces petites allusions fines à la thèse d'un copain de promo., décédé en juillet 2009 et qui apporta à la traduction du deuxième alinéa, troisième paragraphe de la "Poétique" d'Aristote un progrès majeur en posant "imiter" au lieu de "singer".
- Votre mauvaise foi de grand sentimental éclate ici au grand jour, Constantin, car si les commentaires universitaires n'étaient pas presque entièrement ironiques, vous savez très bien qu'ils ne seraient pas aussi... longs, au point qu'on a parfois des difficultés à retrouver le texte de l'artiste. J'ai comme ça chez moi quelques bouquins arrachés de leur gras comme on fait suinter un poulet aux hormones avant de le bouffer.
Écrit par : Lapinos | mercredi, 28 avril 2010
Arracher les pages inutiles — comme Topor caviardant les mots superflus dans un traité philosophique ? Pourquoi pas !
Éternité : "Comme l'éternité est l'infini, notre esprit borné n'y conçoit rien." (Bergier, Dict. de théologie)
Écrit par : C.C. | jeudi, 29 avril 2010
Ah, merci pour la citation, Guitton exprime la même idée profondément païenne, mais pas de façon aussi radicalement fausse ou invertie.
En quelque sorte la confrontation de Mitterrand et de Guitton fut celle de la sphinge et de la pyramide de Chéops. Guitton n'était pas moins égyptien que son interlocuteur.
Je crains que cette idée que l'âme est bornée (et non pas infinie comme les Grecs le démontrent assez bien), n'ait pas mal eu d'influence sur les Français de votre génération. C'est au demeurant une idée indispensable au culte de la politique, à quoi se ramène toute poésie, comme Shakespeare l'a vu.
Mais je reviens plutôt à un paradoxe, puisque les poètes se nourrissent de paradoxes comme les végétariens de légumes. Vous noterez que ce sont les païens animistes qui ont la conception la plus réductrice de l'âme, la disant "bornée", alors que pour un matérialiste comme moi, elle est infinie, source du paradoxe. C'est bien sûr, vous l'avez deviné, parce qu'il faut bien laisser une place à Dieu, somme d'esprits bornés. Et voici comment votre Bergier n'est qu'un point ou un arc de cercle, ce qu'il faut pour, par strates, non pas faire Dieu mais de vieux fossiles (du pétrole ! l'hénaurme baderne de Gaulle à voix de piou-piou n'avait pas pigé que le pétrole et les idées, c'est la même chose). Sartre est, à un stade intermédiaire, un arc de cercle ou un point qui revendique le droit d'être le cercle tout entier à lui seul (un gamin jouisseur capricieux).
Vous avez compté le nombre de pages que j'ai arrachées ? L'autodafé d'Hitler à côté, c'est de la rigolade !
Écrit par : Lapinos | vendredi, 30 avril 2010
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