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samedi, 01 octobre 2005

Photographies 2

Trois photographies fascinantes.

Deux d'entre elles, trouvées l'une entre les pages d'un livre ancien, l'autre dans le tiroir de quelque meuble déniché chez un brocanteur, ont été depuis égarées — ou trop soigneusement rangées.
Sur la plus ancienne, un très petit cliché dont la sépia a tourné au vineux ou au roussi, deux fillettes, dont la longue chevelure bouclée cascade sous de grandes capelines. Juchées sur des échasses-jouets, elles rient à l'objectif. C'est peut-être un dimanche d'été. On aperçoit, à l'arrière-plan, la façade claire d'une demeure bourgeoise, que les gens du village doivent appeler "le château"... Image du bonheur, de l'enfance, simple et factice comme sur les vignettes pastel du tarot Grimaud.
La seconde photo perdue, format carte-postale, porte au verso le cachet d'un photographe d'une bourgade du Puy-de-Dôme. On y voit trois femmes le crâne tondu, les yeux baissés, un écriteau infâmant accroché au cou. Autour d'elles, un groupe rigolard de badauds ou de bourreaux amateurs, dont la mine satisfaite donne la nausée. Il y aura, plus tard, un film dont le titre contiendra tout cela en raccourci : Le Chagrin et la Pitié.
La troisième photographie, antérieure de quelques années à la précédente, est un souvenir que mon père a autrefois rapporté de ses "grandes vacances" en Poméranie. Elle serait indéchiffrable à qui ne posséderait aucune clé. La scène, qui se déroule apparemment dans un cimetière de campagne, montre, entre deux enfants de chœur, un curé bénissant un cercueil couvert de gerbes et de bouquets. En face de lui, un acolyte tient inclinée une grande croix de procession. Un peu en retrait, des hommes, jeunes pour la plupart, dont les vêtements militaires dépourvus d'insignes et de marques distinctives contrastent avec les uniformes des soldats allemands qu'on aperçoit sur la gauche, casqués, figés dans une pause rigide.
Au dos de la photo, une inscription manuscrite — une série de chiffres — et un tampon à l'encre violette en partie effacé : Stalag III C Nr 43...
Du prisonnier qu'on enterrait ce jour-là, du côté d'Alt-Drewitz, il ne reste qu'un nom, banal, légendant un autre cliché désormais dépourvu de signification.

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